Catégorie "Classe Goncourt" 3 è m e P R I X
Marine CHAUVEL
Classe 1ère L au lycée Jean Guéhenno à Fougères
Pour Les heures souterraines de Delphine DE VIGAN
Des histoires ou des hommes… Les lueurs souterraines de la littérature
C’est l’histoire déconcertante de deux personnages.
Mathilde, veuve trentenaire, mère de trois enfants, mise en difficulté dans sa vie
professionnelle, fonde son dernier espoir sur la prédilection d’une voyante : le 20 mai, tout
va changer.
Thibault, aux amours désamarrées, passe ses journées dans les embouteillages pour
soigner des malades, des marginaux ou des gens dont la solitude a eu raison…
C’est la vie peut-être pas si singulière de deux personnes… Peut-être ces personnes à côté
de vous dans le bus ou le métro. Ces personnes aux regards vides croisées au détour d’un
café, qui affrontent leurs problèmes mêlés aux vrombissements de la ville et vivent… des
heures souterraines.
Dans une écriture sobre, épurée mais des plus efficaces, Delphine DE VIGAN nous attache
le temps d’un livre aux pas et aux sentiments de ces deux êtres qui ne se satisfont plus de
leur vie. C’est un voyage intense dans une atmosphère pesante et saturée, entre les bruits
des moteurs et ceux des rames de métro, qui nous fait ressentir de manière vive chaque
émotion : la déception, l’inquiétude, la haine, les affres de l’injustice.
Une attente nous poursuit et nous tient, au fil des pages et des heures de ce 20 mai : celle
de la rencontre entre Mathilde et Thibault. Mais le destin joue avec cette attente qui reste
vaine… ou presque, et ceux dont nous épions les labyrinthiques pérégrinations ne font que
se croiser, sans se voir, dans le flux souterrain de Paris. Jusqu’au bout du livre, nous
espérons une histoire - d’amour, d’amitié ? – mais… rien ! Le livre se termine sur l’image
de Mathilde quittant la rame de métro.
C’est grâce à cette fin que l’on prend réellement conscience de l’enjeu du livre, qui n’est
pas du tout de sauver par une romance mais de mettre en avant la passivité ou
l’impuissance des gens face au monde oppressant du travail ou plus largement à celui que
façonne notre modernité. Dés lors une pensée nous envahit : tout en suivant les problèmes
de nos personnages principaux –déjà évoqués et même tabous dans notre société -,
focalisés sur la narration de leurs vies, n’avons-nous pas ignoré nous aussi à notre façon les
personnes incarnées ou rencontrées par Mathilde et Thibault ?
Prenons-nous donc uniquement conscience de ce que nous voulons voir et – ou – de ce que
l’on nous montre ? Voilà, dans un trouble mêlé au plaisir de la lecture, la question qui nous
vient à l’esprit quand nous avons tourné la dernière page des Heures souterraines.