Catégorie "Classe hors Goncourt" 5 è m e P R I X
Gaëlle MOREAU
Classe Terminale L au lycée Charles de Foucauld à Brest
Pour Les heures souterraines de Delphine DE VIGAN
Bruyantes solitudes
Thibault et Mathilde, deux êtres en lutte, suffoquant, se démenant, comme pris sous la
glace et cherchant l’issue, errant vers la lumière comme des âmes en peine. Ils sont là,
dans les heures souterraines de la vie, tels deux fantômes. Mais qui peut entendre leur cri
silencieux ?
D’un côté, Mathilde, veuve de 40 ans, qui n’est plus qu’une « ombre impalpable et
transparente », une femme qu’on ignore, qu’on ne respecte plus, qu’on raille, qu’on a
oubliée dans le bureau à côté des toilettes. Tout cela car elle a eu la seule audace
d’exprimer une pensée différente, de sortir du moule que le patron lui avait façonné.
D’autre part, Thibault, infirme, vivant avec « cette part manquante » qui le fonde.
Médecin respectable aux multiples conquêtes, « il voulait tout voir et il a tout vu.
Maintenant sans doute lui reste-t-il à vivre. » Et pour cela, sortir de l’engrenage d’un
amour sans issue avec une Lila toujours si lointaine, dont il attend un signe qui ne vient
jamais. Car cela lui pèse comme une « solitude à deux. »
Dès le commencement de leur histoire, l’on s’attend à les voir se rencontrer ; et ce 20
mai, ils se rencontreront. Mais leurs destins ne feront que se croiser, dans un métro bondé
où personne ne prête attention à l’autre. Ils seront l’un en face de l’autre. Ils pourraient
être l’un avec l’autre, l’un pour l’autre, et pourtant… points de suspension.
Et c’est bien ce que fait Delphine DE VIGAN dans son roman Les Heures souterraines, elle
suspend chaque destin à un fil, révélant des trajectoires solitaires et glacées. Ce faisant,
elle dévoile « le coeur de l’absurdité du monde » et de la vie dans ce récit magnifique, qui
donne à entendre la solitude souveraine qui régit la condition humaine et ce monde où les
solitudes sont si bruyantes qu’on ne les entend même plus.